mardi 28 juin 2011

Perdre le fil

Dans le changement qui a englouti ma vie dernièrement, je n'ai plus su quoi écrire.

L'écriture est exigeante; elle a ses humeurs. Elle ne s'offre pas toujours facilement. J'ai déjà pensé que l'écriture était une femme fragile, on ne la choisit que si l'on veut réellement s'engager envers elle.

Que d'autres amis à moi écrivent m'a longtemps empêchée d'écrire. Ça me confrontait à mon infériorité. J'ai pensé un jour y renoncer. Me consacrer à autre chose. Puis, il m'a semblé qu'en écrivant quelque chose se libérait en moi.  Et que la libération menait au bonheur.

lundi 14 mars 2011

Rien n'est à toi

Rien n'est à toi.

Rien. Ni cette lumière qui te réveille le matin, ni le chant des oiseaux que tu entends parfois, ni les moments de bonheur que tu goûtes - instants soudains. Rien ne t'appartient, même les gens que tu devrais connaître - et qui devraient t'aimer, t'envelopper d'amour.

Un arbre brisé au fond de la cour.

Rien ne t'appartient que tes larmes, que cette douleur que tu portes au ventre, que la cadence des battements de ton coeur qui ne s'apaise pas encore.

demain   un nouveau fracas d'indifférence

Pour l'instant, cette douleur est vive. Bientôt, l'indifférence des autres contaminera la tienne, gèlera la douleur. Tu pleureras et on ne t'entendra pas, et cela te sera égal.

Les craquements d'une branche brisée, qu'on écrase du pied par accident, viendront remplir le silence.

Non, rien n'est à toi. Mais tes mots... Oui, tes mots peuvent peut-être être à toi.

mercredi 5 janvier 2011

Une phrase comme du soleil en plein visage

Je me suis éveillée ce matin avec une phrase en tête.

C'est un peu comme si, hier soir, quelqu'un avait semé quelques mots en moi et qu'ils avaient germés cette nuit. Je me suis levée, et j'ai pensé à écrire un billet sur cette phrase. Et là, j'ai vu qu'il y avait un verre de café dégueulasse qui avait coulé sur le bureau. Merde. J'ai quand même décidé d'écrire le billet, en me disant que j'avais de drôles de priorités. Mais bon, je m'égare.

Vous savez, il y a de ces phrases qui vous scient les jambes en deux quand vous les entendez, qui font en sorte que votre souffle s'arrête, un petit instant seulement. Le genre de phrases qu'il est impossible de livrer comme ça, à brûle-pourpoint. J'aimerais bien être comme Amélie Poulain, que les phrases chocs me viennent en tête au moment opportun et que je puisse les balancer comme ça, vlan, à la gueule de la personne nécessiteuse. Je suis parfois assez névrosée pour croire que ce genre de phrases peuvent tout changer, en un instant, d'une perception, d'une opinion, d'un sentiment. Pour cela, il suffit que toute la phrase ne soit qu'une longue et profonde métaphore.

Et cette phrase, la mienne, toute petite ce matin, a germé en mon esprit.


Le temps ne sert pas à mesurer la vie

Puis, j'ai pensé à Dany Laferrière, et j'ai pensé qu'elle venait de lui.

Je me suis dit que c'était vrai, que j'étais tellement idiote parfois. Le temps m'obsède. Ai-je bien attendu assez de temps ? Et est-ce bien le temps de faire ceci ou cela ? Cela va trop vite. Ce n'est pas le temps. 

Il est difficile de décrocher des vérités établies comme universelles. Mais, non, le temps ne sert pas à mesurer la vie. Il sert, d'abord et avant tout, à vivre cette vie. 

samedi 1 janvier 2011

Sur la route

Je viens d'écouter Sur la route de Madisson. Il y avait cette femme qui rêvait, des années durant, du corps de son amant se dissolvant entre ses mains. 

J'ai eu mal en voyant ce film. Bien sûr, ce film d'Eastwood raconte une histoire mille fois connue. C'est l'histoire d'un amour hors du commun, mais, en même temps, de l'impossibilité de vivre pleinement cet amour. Je repense à ce film et je me dis que son sens, son tragique, réside peut-être dans le rapport aux souvenirs de cette femme mariée - qui refuse de quitter sa famille pour l'homme de ses rêves. Car il s'agit bien de quelque chose de salutaire pour cette femme, ces souvenirs - aussi petits soient-ils - de ses quatre jours de passion amoureuse. 

Si Francesca, dans Sur la route de Madisson, renonce aux souvenirs qu'elle a de Robert, elle se résigne à perdre complètement le sens de sa vie. Ces images qu'elle a d'eux, qu'elle cristallise en son esprit même après vingt ans, détiennent un pouvoir salutaire; elles la gardent bien ancrée dans cette vie, vie à laquelle elle s'est pourtant soustraite en laissant partir Robert, l'amour de sa vie. 

Il y a quelque chose de tragique dans ce film. Cela tient dans l'oubli complet de soi, de ses désirs les plus profonds, dans cet oubli se justifiant par le refus de faire subir l'humiliation et la peine à ceux à qui l'on a tout donné.

samedi 11 décembre 2010

Chanter sa vie

Ceux qui ne se rendent pas compte de ce que peut l'art sont, il me semble, esclaves de leur stérilité d'esprit.

J'aimerais vraiment être assez révolutionnaire pour hurler cette certitude un peu partout, contre vents et marées, genre. Mais je suis plus souvent qu'autrement aux prises avec ma propre intériorité. Je me trouve ainsi bien égoïste. Mais je me dis que cette intériorité nourrit mon rapport au monde. Ces temps-ci, je sens qu'il y a une certaine distance entre ma vie et moi. Comme si j'étais souvent en décalage avec le monde.

J'ai envie de chanter Aznavour, « Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles, il me semble que la misère serait moins pénible au soleil », de dire « je me pends au cou de mon rêve ». L'affaire, c'est que je le fais à des endroits innoportuns. Le gars à l'épicierie m'a trouvée un peu weird. Je m'en fous un peu, ça donne de la consistance à ma réalité lorsque les gens réagissent à mes actions. L'inaction nous préserve du danger, mais elle brouille également la distance qui nous sépare de la vie.







dimanche 28 novembre 2010

Hésitations

Ces journées constituées d''hésitations. Tu te dis qu'il y a un problème dans tes perceptions. Que tu dois mal comprendre le monde. Que tu ne sais pas saisir le monde. Il y a Ariane Moffatt qui chante, en sourdine, depuis deux jours.

Si tu penses que c'est trop haut pour toi, descends / je suis pas là pour te faire perdre ton temps / si tu me vois comme ta fin du monde, va-t-en / je vais vivre ma fin du monde autrement

Tu te sens tellement émue, ce soir. Tu revis. Ça te touche. Il sait ce qu’il a été, c’est lourd, et il ne veut plus être ce qu’il a été. Il voudrait être autre chose. Il aimerait que tu connaisses tout ce qu'il a à l'intérieur qu’il ne connaît pas, pas encore, mais qui est pourtant là, bien réel. Il aimerait trouver de nouvelles façons d'être l'homme qu'il est, de renaître. Ne plus se censurer. Toi, tu sais pourtant ce qu'il est, sorte de terre en jachère, qui n'a besoin que d'être remuée pour renaître. Toi tu sais qu'il est déjà quelque chose. Qu'il est tellement plus que la pâle image qu'il a de lui.

Pis toi tu te dis je rêve de vivre dans un océan. Pis tu te dis aussi que tu as le coeur tellement sensible.


samedi 27 novembre 2010

Des histoires de musique

Il neigeait ce matin et il y avait beaucoup de gens dans la rue. Il y avait une parade, cette neige qui tombait partout. J'attendais, appuyée sur un arbre, près de l'église. J'avais plein de moments en tête et les joues rosées. C'est là que je l'ai vue. Une petite dame, très coquette, avec un petit chapeau gris et des lèvres rouges, très rouges. Elle s'est approchée, candide.

- Bonjour mademoiselle. C'est impressionnant, comme le père Noël est rassembleur, n'est-ce pas ?
- En effet...
- Vous savez, moi, mes enfants sont beaucoup trop vieux pour venir ici. Et vous, quel âge avez-vous ? Vous êtes toute jeune. Vous n'êtes pas mariée, sans doute ?
- Ah, non, pas du tout, vous savez. J'ai encore bien du temps.
- C'est ce que je pensais, à votre âge. Mais il faut être vorace, vous savez. Le temps passe très rapidement. Je vous regarde, vous avez des yeux très éveillés. Vous semblez bien. Quel est votre secret ?À votre âge, j'avais envie de vivre mille autres vies en même temps que la mienne. C'est un peu tard, maintenant. Mais pourquoi je vous raconte tout cela, ce que je peux être bavarde, mon mari ne cessait de me le dire.

Elle était tellement belle, à m'offrir là son histoire, moi qui me croyais un peu en retrait du monde. Je l'ai regardée très doucement, puis j'ai mis ma main sur son épaule.

- Vous savez, il n'est pas trop tard. J'ai peut-être une petite idée pour vos mille autres vies à vivre.

Elle me regardait d'un air peu assuré. Mon regard à moi couvrait un large territoire. Je cherchais Joanne qui devait arriver.

- Les livres. La fiction. Elle vous amenera dans tant d'endroits dont je ne connais pas encore le nom.

Elle m'a souri. « Pourquoi pas !», avait-elle dit. J'avais envie de l'inviter à déjeuner avec nous. Joanne est arrivée et je l'ai abandonnée derrière moi, le coeur lourd, tout comme j'ai abandonné mon envie de la serrer contre moi.