samedi 11 décembre 2010

Chanter sa vie

Ceux qui ne se rendent pas compte de ce que peut l'art sont, il me semble, esclaves de leur stérilité d'esprit.

J'aimerais vraiment être assez révolutionnaire pour hurler cette certitude un peu partout, contre vents et marées, genre. Mais je suis plus souvent qu'autrement aux prises avec ma propre intériorité. Je me trouve ainsi bien égoïste. Mais je me dis que cette intériorité nourrit mon rapport au monde. Ces temps-ci, je sens qu'il y a une certaine distance entre ma vie et moi. Comme si j'étais souvent en décalage avec le monde.

J'ai envie de chanter Aznavour, « Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles, il me semble que la misère serait moins pénible au soleil », de dire « je me pends au cou de mon rêve ». L'affaire, c'est que je le fais à des endroits innoportuns. Le gars à l'épicierie m'a trouvée un peu weird. Je m'en fous un peu, ça donne de la consistance à ma réalité lorsque les gens réagissent à mes actions. L'inaction nous préserve du danger, mais elle brouille également la distance qui nous sépare de la vie.







dimanche 28 novembre 2010

Hésitations

Ces journées constituées d''hésitations. Tu te dis qu'il y a un problème dans tes perceptions. Que tu dois mal comprendre le monde. Que tu ne sais pas saisir le monde. Il y a Ariane Moffatt qui chante, en sourdine, depuis deux jours.

Si tu penses que c'est trop haut pour toi, descends / je suis pas là pour te faire perdre ton temps / si tu me vois comme ta fin du monde, va-t-en / je vais vivre ma fin du monde autrement

Tu te sens tellement émue, ce soir. Tu revis. Ça te touche. Il sait ce qu’il a été, c’est lourd, et il ne veut plus être ce qu’il a été. Il voudrait être autre chose. Il aimerait que tu connaisses tout ce qu'il a à l'intérieur qu’il ne connaît pas, pas encore, mais qui est pourtant là, bien réel. Il aimerait trouver de nouvelles façons d'être l'homme qu'il est, de renaître. Ne plus se censurer. Toi, tu sais pourtant ce qu'il est, sorte de terre en jachère, qui n'a besoin que d'être remuée pour renaître. Toi tu sais qu'il est déjà quelque chose. Qu'il est tellement plus que la pâle image qu'il a de lui.

Pis toi tu te dis je rêve de vivre dans un océan. Pis tu te dis aussi que tu as le coeur tellement sensible.


samedi 27 novembre 2010

Des histoires de musique

Il neigeait ce matin et il y avait beaucoup de gens dans la rue. Il y avait une parade, cette neige qui tombait partout. J'attendais, appuyée sur un arbre, près de l'église. J'avais plein de moments en tête et les joues rosées. C'est là que je l'ai vue. Une petite dame, très coquette, avec un petit chapeau gris et des lèvres rouges, très rouges. Elle s'est approchée, candide.

- Bonjour mademoiselle. C'est impressionnant, comme le père Noël est rassembleur, n'est-ce pas ?
- En effet...
- Vous savez, moi, mes enfants sont beaucoup trop vieux pour venir ici. Et vous, quel âge avez-vous ? Vous êtes toute jeune. Vous n'êtes pas mariée, sans doute ?
- Ah, non, pas du tout, vous savez. J'ai encore bien du temps.
- C'est ce que je pensais, à votre âge. Mais il faut être vorace, vous savez. Le temps passe très rapidement. Je vous regarde, vous avez des yeux très éveillés. Vous semblez bien. Quel est votre secret ?À votre âge, j'avais envie de vivre mille autres vies en même temps que la mienne. C'est un peu tard, maintenant. Mais pourquoi je vous raconte tout cela, ce que je peux être bavarde, mon mari ne cessait de me le dire.

Elle était tellement belle, à m'offrir là son histoire, moi qui me croyais un peu en retrait du monde. Je l'ai regardée très doucement, puis j'ai mis ma main sur son épaule.

- Vous savez, il n'est pas trop tard. J'ai peut-être une petite idée pour vos mille autres vies à vivre.

Elle me regardait d'un air peu assuré. Mon regard à moi couvrait un large territoire. Je cherchais Joanne qui devait arriver.

- Les livres. La fiction. Elle vous amenera dans tant d'endroits dont je ne connais pas encore le nom.

Elle m'a souri. « Pourquoi pas !», avait-elle dit. J'avais envie de l'inviter à déjeuner avec nous. Joanne est arrivée et je l'ai abandonnée derrière moi, le coeur lourd, tout comme j'ai abandonné mon envie de la serrer contre moi.

samedi 20 novembre 2010

Le monde réel

Je commence à concevoir l’absence. Elle a une couleur très pâle, une sorte de blanc perlé.

La première neige est tombée, ici. C’est d’une beauté à geler toute douleur, chuchote Dumas. Ce matin, je me suis éveillée et j’ai regardé les flocons qui tombaient. J’avais envie de perdre toute conscience. 

Je me sens bien. Bientôt, lorsque toutes ces images déjà engourdies s’estomperont, je n’appartiendrai qu’à moi-même. Avoir l'esprit libre pour créer, être forte, au-dessus des autres, écrit Marie.

Je lis, les cheveux mouillés, en serviette. J’ignore le téléphone qui sonne. Je n’ai pas envie de rejoindre le monde réel. Pas tout de suite.  Ma mère dit que cette attitude m’éloigne du monde. Je suis convaincue du contraire. Je crois que lui aussi. Cela me suffit.

Bientôt, je nagerai dans l’océan et m’endormirai sur la grève.

dimanche 14 novembre 2010

La plume de Marie

Dernièrement, je suis revenue à Marie Uguay.

La lecture aidant, j'ai la très nette impression de me réveiller d'un long sommeil, une sorte d'hibernation prolongée et comateuse. Vision étrange d'avoir en quelque sorte gelé mes émotions, mes désirs. C'est aberrant de voir à quel point l'on peut cesser de respirer pendant des très longs moments.

Un jour vous croyez que vous êtes morte, presque condamnée à cette vie à laquelle vous vous êtes habituée, finalement, ce mélange opaque de chaleur et de réconfort. Oui, vraiment, vous y croyez au bonheur, à cette conception toute-faite-parfaite-et-consacrée-socialement. Mais, à un moment, on vous fait une entaille, bien profonde, et vous saignez beaucoup. Le douleur vous réveille. C'est alors que vous réalisez que le monde est là, tout près, que vous pouvez presque le toucher de la main. C'est alors que vous souriez presque, comprenant votre méprise, bien calée dans votre bain froid.

J'ai mis un temps fou à comprendre. À confondre mes perceptions, peut-être bien. Peut-être bien.


"Dans les battures anticipées où tu te lies à moi
je te songe
Parfois je suis le graveur ivre de ton corps
parfois le scribe de tes désirs "

écrit Marie.

Ouais.

vendredi 5 novembre 2010

Biscuit

Croire en quelque chose et ne pas le vivre, c'est malhonnête, disait Gandhi.

lundi 25 octobre 2010

Douleur

" Des mots veulent se faufiler en moi pour forger une histoire plus réelle que la réalité, mais presque tout de suite arrive la douleur qui terrasse les mots, et les mots s'en vont, je n'ai plus de mots, je n'ai plus rien "

Monique Proulx, Les Aurores montréales

samedi 23 octobre 2010

Génie

Bertolt Brecht était un génie.

Il a vu l'écroulement du monde, bouleversé. Mais le monde ne l'a pas anéanti. Brecht était un fort, il appartenait à cette race d'hommes qui peuvent créer, même lorsque solidement affectés par une situation. Même lorsque le monde semble s'étioler. Il a su rester libre, bien que pris dans la lâcheté et la perversion de son temps.

Brecht était un créateur.

Je réalise aujourd'hui, plus que jamais, la grande force des créateurs : ils peuvent transformer le mal, les perversions dont les hommes sont victimes, en une réalité autrement plus pertinente, en un art capable de tout bouleverser. Les créateurs seuls peuvent prendre en charge les injustices en leur donner une voix.

samedi 16 octobre 2010

J'émerge

J'émerge d'un long sommeil.


Il y a longtemps que je n'avais pas écrit, la vie fulgurante m'ayant menée ailleurs. Mais j'en avais envie, ce soir. L'automne est paisible et doux. Je suis seule au sous-sol, un café noir sur la table. Novembre s'amène, nu comme un bruit de neige. Ce vers de Brault est magnifique. Il faudrait que je relise Brault.


Il n'a pas encore neigé. Mais cela viendra. Cela se sent. Je mettrai ma tuque et j'irai marcher, longtemps. J'essayerai de goûter au bonheur, même si, en même temps, il semble constamment me glisser entre les doigts. Je baigne dans mon présent, et je me demande si le futur sera différent. Tout le monde me dit que le futur se construit autour de causes et de conséquences, de choix à faire. Mais le monde causal, c'est un tas de conneries. Voilà, c'est dit. Le monde n'obéit pas à une logique infallible, pas plus que mes désirs, mes craintes et mes aspirations. 


J'ai parfois peur de manquer de temps. Refaire de vieilles erreurs. Le temps m'obsède, le temps... je voudrais bien échapper à son emprise. Calme-toi, me dis-je, il est facile de reconstituer le passé lorsqu'on l'observe avec un certain recul. L'ennui, c'est que le mythe du retour éternel des choses tel que l'entendait Nietzshe... c'est justement un mythe

mercredi 2 juin 2010

Ces temps récents


Depuis quelques jours, la réalité me semble incompréhensible.

 J'ai parfois l'impression que je ne parle pas la même langue que les gens que je côtoie, et pourtant c'est ce que je m'efforce de faire.

Prenez l'autre soir, par exemple. Je travaillais - comme toujours - à l'hôtel. Il y a eu un groupe de congolais influents qui sont arrivés pour une formation - un truc de finances. À tous les soirs, l'un d'eux passait me dire bonjour, savoir comment j'allais. Ça m'a suprise d'abord - j'en suis restée comme figée et inconfortable. Je me suis alors détendue et, comprenant mon malaise social, ai tâché de paraître plus ouverte les soirs suivants. jusqu'à ce que ce connard de sous-ministre de merde me harcèle pour que je monte à sa chambre.

Je me suis alors trouvée naïve d'y avoir cru, d'avoir cru à la pureté. Et je suis restée là, en plan, déconcertée face à cette réalité si souvent ininterprétable.

Le langage est une réalité extrêmement complexe; le langage humain l'est tout autant. La vérité, c'est qu'il est parfois difficile de donner un sens aux erreurs que l'on commet, et que nul apprentissage n'est infallible.

lundi 12 avril 2010

Lueur d'espoir

Voici comment les choses se sont passées:

Il m'a regardé - brièvement. Je lui ai adressé un sourire. Nous avons tissé ce contact ténu dans un monde béant. Mon coeur s'est mis à battre. Vous allez dire: voilà, elle va nous écrire ces choses convenues et ridicules, cet amour inévitable. Vous n'y êtes pas.  Son regard m'a révélé cette chose étonnante, cette vérité si chère: la douceur existe. Cette rencontre nous a donné le droit d'être moins agressifs, d'être doux. Ce regard   puits de chaleur.

mardi 6 avril 2010

Question d'existence

Une question empruntée à Catherine Mavrikakis - sur son blogue - qui m'occupe aussi :
... '' Est-ce que ces âmes de vingt ans (les étudiants en l'occurence) sont appelées par ce qui, pour moi, est absolument au cœur du littéraire, c’est-à-dire les formes poétiques que peut prendre la douleur de vivre? "

Et si la littérature c'était vraiment cela ? Pouvoir, avec beauté, former les mots au réel. Coller, grâce à l'art, à la peau de la réalité, de la difficulté d'être soi, de vivre, de respirer.

jeudi 1 avril 2010

Plaidoyer pour la sympathie

Je caresse mes journées comme de longs voyages agréables. J'y trouve des lieux d'errances paisibles et inspirants, du travail qui me nourrit, des mets délicieux et un peu d'exotisme ici et là. Des couleurs mirobolantes; ces filles coiffées différemment, ces couples qui rient sans conscience de leur présence au monde, ces conversations que je vole aux gens inconnus.

Mais il manque d'amour dans le monde. Cet amour gratuit que l'on offre aux gens que l'on voit chaque jour. Un sourire, une parole douce et chaleureuse, un mot d'encouragement, une vérité, un rire. La sympathie déserte, la froideur perce...et ça me désole.

jeudi 25 février 2010

Clair comme l'eau vive

«Les blessures dont on a honte
ne se guérissent pas ».

Dany Laferrière, L'énigme du retour.

Dany, j'aurais bien aimé te piquer ces vers-là.

mercredi 24 février 2010

Désert aride

Mes mots fuient.

*
Je déserte... parfois ma tête, parfois mon corps, pour un temps indéterminé. Comment pourrais-je être constante, habitée des mêmes désirs éternellement ? Ma vie a une allure de casse-tête. Mes désirs sont combustibles. Un temps, mon coeur bat à tout rompre. J'y crois. Et puis, en douce, il s'endort.

Merde.

Je vois ces gens si convaincus, calés paisiblement au creux de leurs certitudes. Leur tranquillité me donne envie de pleurer. De jalousie et d'envie, peut-être.

*
J'hésite longuement, 10 minutes peut-être, entre le café au lait et le lait au chocolat. Comment organiserais-je ma vie si je peine à trancher sur le choix d'un breuvage matinal ?